samedi 5 mai 2007

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Prendre des décisions n’a jamais été son fort. Non, pour être honnête, prendre ne serait ce qu’UNE décision, c’est déjà l’horreur. Alors quand en ce joli mois de mai il a fallu faire un choix, elle vécu de grands moments de doute et d’interrogations. Et puis, ce ne fut pas si compliqué que ça. Enfin pas pour elle du moins. Car, pas contrariante pour deux sous, elle choisi exactement l’inverse de ce que tout le monde attendait. « Mais pourquoi ? » Bonne question. « Tu es folle, on ne refuse pas une opportunité pareille ! » ou encore « Alors tu as fait tout ça pour rien ?! » mais aussi « Décidément, tu ne feras jamais rien comme tout le monde ! » et puis « Je ne te comprendrais jamais ! Enfin si, tu ne sais pas ce que tu veux... »

« Bon et tu vas faire quoi maintenant ? » La tempête d’incompréhension étant passée, il était temps de se trouver une occupation. La recherche de job dans l’intérim tourna court : « Vous voulez travailler ? ! Désolé mais ici on ne peut rien faire pour vous... » Pour éviter à l’entourage une série d’arrêts cardiaques suite à cet échec, elle posa officiellement sa candidature pour le « job de ses rêves », à défaut du JOB DE SES REVES DE LA MORT QUI TUE QU’ELLE VOULAIT FAIRE DEPUIS SES 10 ANS ! Bon enfin, c’est pas si mal que ça finalement. C’est comme ça qu’après moultes péripéties elle se retrouva finalement la, sur cette chaise grinçante et un peu (beaucoup) raide. Devant ce bureau auquel était assis cet homme, pas très vieux mais un peu enveloppé. « Nous avons besoin de gens comme vous » lui avait-il dit, plein de persuasion. Bien sur qu’il disait ça à tout le monde, son but c’était juste de faire du chiffre, pas d’engager vraiment. L’essentiel étant qu’à la fin de l’entretien, elle soit pleine d’espoir et d’impatience à l’idée de commencer sa toute nouvelle et trépidante vie.

Le chemin était long et elle en avait conscience. Elle n’était pas seule, elle n’était pas la meilleure, elle n’avait pas grand chose pour se démarquer des autres. 16 élus. Pas un de plus. Et pour en faire partie il allait falloir se battre. Heureusement pas avec les poings, elle avait toujours eu des « lacunes » (pour ne pas dire pire) en sport. Tout commença réellement à Bordeaux en novembre. Deux mois d’avance sur son planning, pas mal pour une désorganisée totale. Après cette journée de réjouissances pendant laquelle elle a quand même réussi à faire des rencontres super cools, il a fallu rentrer et attendre. Attendre, encore une qualité qui ne lui appartient pas. Alors pour passer le temps, elle s’imaginait ce qui allait changer dans sa vie, comment elle allait annoncer à ses parents que non, finalement, elle préférait tout arrêter et devenir épicière ou tout autre chose. Après tout, ça n’avait aucune importance. Et puis après quelques longs moments ou quelques minutes tout au plus d’auto persuasion, elle décida d’aller au bout de ce qu’elle s’était fixé. Si d’autres y étaient parvenus avant, pourquoi pas elle ?


Parmi les rencontres à Bordeaux, il y eut A. Il était grand, brun, toujours souriant. A., elle ne l’avait jamais vu avant. Lui, il savait déjà qui elle était. A, il faisait partie des gens qu’elle enfermait dans sa boite à images avant même de les connaître parfaitement, juste parce qu’elle savait qu’elle ne le regretterait pas.

Dans sa boite à images, il y en avait du monde. Faut dire qu’elle ne la vidait pas souvent, de peur d’en perdre en route. Alors ça se tassait la dedans. Mais bizarrement, y avait toujours une petite place pour un nouvel arrivant. De sorte qu’à chaque fois qu’elle rencontrait quelqu’un digne d’y séjourner, elle n’avait pas besoin de se dire « Ou je vais bien pouvoir le caser lui ? Et elle, elle risque pas de finir étouffée dans ce coin ? » Non, toujours une petite place pour quelqu’un d’autre. Elle aimait à se dire que le contenu de cette petite boite, c’était finalement un peu d’elle. Chaque personne avait à sa façon changé quelque chose dans sa vie. Chaque personne faisait qu’elle était comme ça aujourd’hui, et pas autrement. Et c’est pour cette raison qu’elle continuerait à changer, au gré des rencontres.

Il y avait parfois dans sa vie des moments « transferts d’émulsion ». A l’instant ou l’image se décolle du papier pour être fixée sur un autre support. C’est pas une manipulation facile. Elle est fragile la petite émulsion. Une fois détachée de son papier, elle est comme devenue inexistante, transparente et surtout fragile. Il faut attendre le nouveau support pour qu’elle reprenne des couleurs. La vie en fait, c’était un peu ça. Une multitude de transferts d’émulsions, de changements de support, d’environnement. De longs moments passés à tremper dans l’eau, à risquer d’être déchiré, rafistolé. Des instants d’angoisse, la peur de disparaître.
Et puis heureusement (en tout cas jusqu’à maintenant), elle a toujours trouvé un support pour se poser. Chaque émulsion est unique, elle le sait bien. Les petits plis sur l’image, les trous, sont autant de cicatrices du passé qui la rendent unique.

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